Tromsø Skyrace (5août / 57km)


 

Hei Okser [=Salut les Taureaux],

 

 

En ce mois d'août, alors que les cigales chantent fort dans notre chère Provence, je me suis donné rendez-vous au nord du cercle arctique, en Norvège, dans la ville de Tromsø.

Cette ville est en fait une île dans un fjord relié au continent par un pont d un kilomètre.

Après une journée -très longue car le soleil de ne se couche pratiquement pas a cette époque de l'année-, le départ a été donné à 8h. du matin. 

Au menu: 57kms et 4800m de dénivelé positif. Temps max' 13h. 

Avant le briefing, je me disais "13h pour 57 km..? Ça devrait le faire". MAIS l'organisateur et plusieurs concurrents avec qui j'ai discuté ont insisté sur le fait que les barrières horaires intermédiaires étaient très difficiles à atteindre si l'on n'est pas parfaitement entraîné.

Un doute s'est alors installé car ma préparation a été très perturbée par plusieurs petites blessures. De plus, jusqu'à encore la veille, j'avais une douleur genre tendinite a mon genou. Mais Paracétamol et Niflugel m'ont fait passer la douleur le matin du départ.

 

Donc départ a 8h dans la fraîcheur et la grisaille. Nous sommes en Norvège...

Durant les 3 premiers kms nous longeons les berges de Tromsø puis traversons le fameux pont avant d'attaquer la première ascension.

La bonne nouvelle c'est que mon genou est indolore. La mauvaise c'est le rythme du départ.. Ça va très vite pour moi. Et la première ascension de 700 mètres est très rapide. On a rejoint l'arrivée du téléphérique qui surplombe la baie de Tromsø en empruntant un sentier de descente de VTT. Tout en sous-bois, terrain en terre pas de difficultés, si ce n'est quelques raidards.

Mais le rythme... ça ne rigole pas, ça ne parle pas... Ça grimpe en silence...

 

Au téléphérique on continue l'ascension jusqu'à une dernière bosse. Environ 8,5 kms et plus de 900m de dénivelé. Il n'y a plus d'arbres, nous sommes exposés au vent très fort, très froid et quelques gouttes de pluies s'invitent. Mais la vue est exceptionnelle... Des fjords enneigés nous entourent. Mais aussi vers le nord, dans la direction de la course, le premier sommet complètement sous les nuages..

On attaque une descente sinueuse mais très joueuse et surtout praticable! Je rattrape plusieurs concurrents car dans la première montée j'étais à la rue. Je n'avais pas l'impression de traîner pourtant...

 

On traverse une petite retenue d'eau et on recommence à grimper pour atteindre le 1er véritable sommet de la course: Tromsdalstind 1238m. Deux bénévoles me font comprendre qu'il faut remplir ses gourdes car il n'y a pas d'eau au sommet. Ok...

Le début de la grimpette est simple. C'est une succession de bosses avec des vues encore une fois superbes malgré les nuages et ce froid. Pour l'instant je reste en fuschia. Mais je remonte les manchons.

Les 2 derniers kilomètres et 500 m de dénivelé sont très difficiles. Ils se font à travers des énormes éboulis. Le vent glacial a couché de nombreux drapeaux de balisage et avec les nuages c'est un peu compliqué de naviguer. Il faut lever les yeux pour se repérer et bien regarder où l'on met ses pieds pour ne pas se faire une cheville. J'avance doucement et beaucoup de concurrents me doublent. Et pourtant j'ai toujours l'impression que j'avance pas trop mal...

 

Au sommet, avec 1heure d avance sur la barrière horaire, les bénévoles au nombre de deux me demandent si je vais bien. Je leur réponds ok et ils me désignent le brouillard. Je leur demande où il faut passer, ils me montrent en rigolant le vide dans le brouillard...

Je regarde et ... je me dis que je suis venu pour ça... Un trail technique... mais là... Je distingue les silhouettes des coureurs à l'abrupte de ma position... Allons-y...

 

La seule bonne nouvelle c'est qu'on descend à l'abri du vent. C'est clairement de la désescalade. Sur les fesses, les mains au sol. C'est vertigineux car très raide. Les rochers sont trempés et glissants. Je me régale! Ensuite plus de roche, mais un single en terre, bien raide, avec de belles marches, des virages en épingles. C'est top. 

Un faux plat nous fait longer une rivière avec de nombreuses cascades et prairies spongieuses. Avec la luminosité l'ambiance est irréelle. On traverse une dizaine de cours d'eau. Parfois de l'eau jusqu'aux genoux. Je vous laisse imaginer la température. D'ailleurs les traileurs remplissent leur gourde...

Ensuite on termine par une partie très très escarpée a travers un sous-bois. J'ai bien chuté 4 fois sur les fesses.

Parfois le lève les yeux et devine le second sommet et point culminant de la course l'Hamperokken. Il est sous les nuages.

 

Au terme de cette longue descente de 3kms pour 1200 de dénivelé négatif, on court à travers une forêt sur un terrain plat et sinueux durant 3kms pour arriver au premier ravitaillement. Environ 24kms de faits. J'ai perdu un peu de temps et j'ai moins d'une heure d'avance. Le doute s'installe car en général les descentes me font gagner du temps...

Au ravitaillement je ne traine pas, je cherche à remplir mes 3 flaques vides. Aucun bidon.. Je demande à un bénévole, il sourit et me dit "Water? In the river, 2 kms". Je le regarde abasourdi. Quelques bananes et des cookies, pas d eau.. Je regrette Aurillac!

Et il rajoute: pas d'eau jusqu'au retour..

Car il faut savoir que le tracé fait le tour du sommet de l'Hamperokken et repasse par cet endroit ensuite pour emprunter la descente précédente en montée et rejoindre le départ (qui sera donc l'arrivée).

 

Je commence l'ascension: 1200m de dénivelé positif en 5kms a peu près. 

Une première partie que j'ai trouvée très longue et monotone. C'est à ce moment-là que j'ai mis ma veste car entre le froid, le vent et la pluie c'était difficile. Trop pour moi. Je voyais bien que mon rythme n'était pas bon. Mais je n'pouvais pas faire plus. La 1ère descente m avait éclaté les cuisses. Heureusement que le spectacle était génial. Quand le brouillard se dissipait on pouvait voir des glaciers tout proche et la mer... C'était fou. J'étais fatigué mais heureux.

Je suis avec 2 concurrents et on avance doucement. J'ai vraiment trouvé ce passage compliqué. Pas technique du tout, mais très long.

 

Arrive enfin la crête qui permet l'accès au sommet. Le bénévole qui nous pointe nous informe que vu le chrono ça va être difficile d'arriver au ravitaillement avant la barrière horaire. Il a insisté surtout de ne pas prendre de risques pour rattraper le temps.

 

Mais cette crête... incroyablement belle! Regardez les photos. Je n'ai pas de mots pour tout décrire. Les parois vertigineuses, la neige, de la roche, de la glace, de l'escalade, on monte on descend, on s'aide avec les autres traileurs. On emprunte des roches de moins d'un mètre de large avec le vide de chaque côté.

Et enfin on arrive au pied de l'Hamperokken. On croise ceux qui nous précèdent car le passage est très étroit. Je peux vous assurer que peu de personne rigolent... C est très dangereux. 

Pour accéder au sommet, il faut imaginer escalader (littéralement) une dizaine de mètres avec juste une corde au cas où pour se retenir. D'ailleurs une concurrente a refusé de monter...

Et au sommet il faut imaginer un plat de ...10 mètres carrés avec 2 bénévoles qui nous checkent.

Le vent nous bouscule, je suis frigorifié mais tellement heureux... La pluie glaciale pique le visage et les jambes... Vive le nord du cercle arctique! Mais il faut redescendre car d'autres coureurs doivent aussi se faire pointer. On ne tient pas à plus de 5 sur cette plateforme.

 

Et cette descente... Le début était un enfer technique. Les roches étaient glissantes, les marches hautes, le peu de sable était instable. Un régal mais la fatigue des jambes m'obligé a ne pas prendre de risque.

Une fois cette partie ultra-technique passée, commence une longue partie dans des éboulis. Un amoncellement de gros rochers parfois instables. Il faut sauter de l'un a l'autre. On longe un glacier qui se transforme en rivière et termine en lac. Heureusement que c'est magnifique car à courir pour moi c'est difficile.

En regardant le chrono, je comprends que c'est terminé pour moi. Je suis presque soulagé car le'chemin du retour avec cette montée m'effrayait un peu.

Après les éboulis on progresse dans une sorte d'alpage qui nous fait rejoindre la forêt puis le ravitaillement qui sera mon point final.

 

J'étais tellement heureux d'avoir grimpé l'Hamperokken que je n'étais pas déçu du tout. Au contraire, j'étais euphorique.

 

Donc c'est mon premier 'DNF'. Après quelques jours j'ai analysé cet heureux "échec". Et bien je n'étais tout simplement pas prêt à affronter un tel dénivelé, de telles descentes, une telle technicité. C'était magnifique mais terriblement difficile pour moi. La volonté ne fait pas tout... il faut aussi un  entraînement adapté.

 

Mais je me suis RÉGALÉ!

 

Seb g.

 

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Commentaires: 9
  • #1

    Jerome (jeudi, 10 août 2023 22:26)

    Bravo Seb.

    Mes respects !

  • #2

    Stef leBlønd (jeudi, 10 août 2023 22:58)

    Süper ce récäp' et sürtøüt ces phøtøs incrøyables. Cä ä l'äir vräiment dingüe de cøürir (øü essäyer de cøürir..) däns ün tel décør. Cä dønne envie d'y äller.. bien cøüvert et bien enträiné donc..
    Très belle äventüre, merci de l'ävøir pärtägée ävec nøüs.
    "Skøvøenbrø", cømme ils disent lä-bäs.. [j'invente tøtälement..]

  • #3

    Lucho (vendredi, 11 août 2023 08:26)

    Désolé de lire que ta course s est terminée avant la fin mais te connaissant le parcours devait être très très engagé et très tre exigeant. Néanmoins je comprends que tu as accompli ton rêve et trouvé ce que tu recherchais, c est bien le principal. Bonne recup et bons soins.

  • #4

    Le Moyen (vendredi, 11 août 2023 08:47)

    Bravo Seb, ton récit tout comme tes photos sont tout simplement vertigineux ! Tu as dû te « caguer » à certains passages…
    Merci aussi, grâce à toi, j’aurai appris plein de nouveaux noms norvégiens : 
    « Tromzeeuuuuu »,«Hamperrockeneeeeeuuu », « Tromdalsdiiiiiiiiiiiite » ;).

  • #5

    Thomas (vendredi, 11 août 2023 09:30)

    Merci Séb pour ces magnifiques photos et ton récap qui nous fait voyager. Avant ton départ j’avais regardé une vidéo de la course et je me suis dit que tu vas te régaler mais que ça va être très très dur. Du coup, pour toi, le premier DNF ce n’est pas « did not finish » mais « did not fear ». Même pas peur du Hamperokken ! Bravo Okse !!

  • #6

    Stephane (vendredi, 11 août 2023 15:49)

    Bravo !!!!!!!

  • #7

    Geneviève (samedi, 12 août 2023 20:45)

    Superbe expérience, tu as essayé et pour moi c'est gagné. Tu dois être fier de ton parcours, de plus les images sont superbes. BRAVISSIMO

  • #8

    Fred (dimanche, 13 août 2023 10:55)

    Magnifiques ces paysages tu as du te régaler !! l'essentiel est que tu sois content, le DNF n'a pas grand importance !! merci pour le partage :)

  • #9

    Amélie (dimanche, 13 août 2023 17:54)

    Merci Seb pour ce partage d'expérience ! Les photos sont magnifiques, les paysages tellement variés, une sacrée aventure: un beau defi personnel d'accompli! Tu peux être fier de toi !