Madeira Island Ultra-Trail (23avril / 116km)


Salut les TAC'onautes,

 

Allez, soyons fous: 2 récap' pour le prix d'1! D'abord celui de Seb' (plus rapide en course.. et en rédaction de récap'..), puis le mien. Bonne lecture à vous (..bon courage..).

 

 

----------------RECAP' DE SEB'----------------

 

Nous y voilà enfin, après 2 reports suite à la Covid-19 !

 

Fin janvier 2022, j'apprends que mon inscription pour le Madeira Island Ultra-Trail (MIUT) est validée. L'épreuve d’une distance de 115 km et 7100 mD+ se déroulera le Samedi 23 Avril avec un départ à minuit en traversant l'île d'Ouest en Est de Porto Moniz à Machico.

 

Pour le monde de l'ultra-trail, cette course est l'ouverture de la saison. Chaque année, elle attire un plateau d'exception. Cette année, les 2 numéros 1 mondiales du trail seront présents : les Américains Jim Walmsley et Courtney Dauwalter. Le MUST dans le monde de l’ultra !

 

Pour ma part, nous sortons de l’hiver (entre la nuit et le froid), c’est un peu compliqué de faire du volume. Le 1er Week-end de Mars, j'ai participé à ma 1ère course de l’année le mythique Trail de la Sainte-Baume (47 km et 2650 mD+). J’ai réalisé une bonne perf puisque je termine 11ème Scratch et 2ème de ma Catégorie mais cette distance n'est pas la même qu'un 115 km. Bref, on verra bien le jour de la course comment sera la forme !

 

Nous sommes arrivés une bonne semaine avant la course, afin de s'acclimater à cette superbe île. Nous avons réalisé (avec mon accompagnatrice) en mode trek (5 jours) la reco' du parcours. Un gros plus quand tu te lances dans ce genre d'épreuve. Tu sais ce qu'il va t'arriver lorsque tu auras un gros coup de mou, hhhiiihhhiii.

 

Le descriptif rapide du parcours : 

En première partie, une forêt luxuriante avec deux premières montées et descentes droites dans la pente (ça fait peur 😱), puis une portion de parcours assez dégagée avec une montée extrêmement raide le long d'une conduite forcée qui sert à alimenter une centrale hydroélectrique, une dernière montée de 7kms avec 1200m D+ afin d'atteindre le plus haut sommet de l'île (Pico Ruivo) ........ En arrivant au sommet, une longue descente de 20kms m'attend pour rejoindre le bord de mer (Porto da Cruz). Un dernier petit « coup de cul » de 400m D+ en sortant du village poursuivi d'un long plat d'une dizaine kilomètres en flanc de falaise avant de basculer de l'autre côté de la montagne. Nous longeons ensuite une levada (petit ruisseau d'irrigation) avant de finir par une descente droite dans la pente et ainsi franchir l'arrivée en bord de mer à Machico.

 

Vendredi 22 Avril, il est 21h lorsque que je quitte mon logement à Funchal pour rejoindre le départ à Porto Moniz. Sur place, l'ambiance est plutôt calme et peu de coureurs sont présents. Je peux profiter tranquillement de la ligne de départ pour faire les dernières photos et me mettre dans ma bulle. La météo n'est pas au beau fixe : beaucoup de vent, les vagues viennent se jeter sur les rochers. Ils annoncent de la pluie une bonne partie de la nuit avec une éclaircie dans la matinée puis de nouveau de la pluie toute l'après-midi. De toute manière, les conditions seront les mêmes pour tout le monde. 

 

A moins de 30 min du départ (23h30), ils ouvrent les portes pour entrer dans le sas. Les fauves se jettent comme si on venait de leur jeter un morceau de viande sur la ligne de départ. Étant arrivé tôt, j'arrive à me placer en seconde ligne juste derrière le sas des Élites Hommes et Femmes (environ 70 personnes). 

 

A 10 min du départ, je vois enfin arriver mon ami " rougails" (Steph). Je lui fais une petite place afin que l'on prenne le départ ensemble en essayant d'aller le plus loin possible. 

 

23h58, l'ambiance monte de plus en plus. Les Élites se sont fait interviewer sous mes yeux, c'est tellement classe d'avoir un sas VIP. Bref, peut-être un jour ! Le public est présent et la musique donne des frissons. Les secondes se décomptent. Tic, tac, tic, tac...

 

Il est minuit, le coup de fusil est donné ! Les Ultra-Trailer les plus fous (environ 1000 participants) s'élancent pour une traversée de cette île majestueuse appelée « petite réunion ». Sur les premiers mètres, la foule est déchainée (applaudissements et encouragements). Nous profitons à fond de cet instant pour nous ressourcer car la nuit va être longue. Nous attaquons la 1ère montée (3km et 400 mD+) dans un rythme un peu fort mais nous gérons. A mi-montée, le corps est en surchauffe ! J’enlève ma veste tout en continuant de marcher. Steph décide de s’arrêter, nous nous perdons à partir de ce moment. J'attaque la 1ère descente, nous sommes les uns derrière les autres. Les lumières serpentent la descente de Ribeira da Janela. J'entends l'ambiance des spectateurs qui encouragent les premiers. L'ambiance est dingue ! Un regain d'énergie en traversant ce passage fait du bien en attaquant la réelle 1ère montée. Je trouve mon rythme progressivement afin de ne pas me mettre dans le rouge... car la route est longue. Nous montons à travers les petites ruelles aménagées avec des petits escaliers qui ne correspondent pas du tout à mes enjambées. J’alterne entre la partie raide et les escaliers. Nous entamons la partie tropicale de l'île, des escaliers dans la boue, une montée raide : "ça glisse mais ça monte !" Une partie un peu plus plate me permet de courir et ça fait du bien aux jambes. Il commence a y avoir des trous et les groupes de niveaux se forment.

 

1er ravitaillement :

Après 2h07 de course, 14,5 km avec déjà 1515 mD+ effectué, je suis en avance de 20 min sur mon objectif de base qui est de 18h30 mais revu à la hausse à 22h suite à la reco et la technicité du terrain. La montée s'est plutôt bien faite malgré la boue, le brouillard et une petite bruine. Quelques minutes d'arrêt pour se ravitailler car la descente va être sportive. C’est une descente très technique : marche, racines et boue. J'assure mes pas, j'ouvre grand les yeux pour ne pas tomber, je m'aide de mes bâtons pour économiser mes jambes. Je perds quelques places mais je préfère assurer le coup pour la suite. C’est une partie de récup quelques kms offert un peu à plat sur du goudron avant d’arriver au 2ème ravitaillement. Il est 3h08.

 

Je repars assez frais pour aborder la montée d'Estanquinhos (9 km et 1200 mD+) avec un peu d'appréhension quand même. La descente m’a demandé beaucoup d’énergie, il a fallu être attentif (peu de visibilité) et la fatigue peut me gagner à tout moment. J'enchaîne les pas derrière les autres. A la moitié de cette montée, des conditions dantesques nous tombent dessus : le brouillard, le froid et pour finir une pluie battante ! Le sommet est à 1550 m d'altitude, je n'ai toujours pas remis ma veste et je commence à avoir réellement froid. Je poursuis mon rythme jusqu’au second ravitaillement. Je me fais biper à 5h09 après 32,7 km et 3030 mD+ et toujours en avance de 40 min. Un français me dit "Tu es un fou d'être en tee-shirt". Tout le monde est transit de froid ! Je retrouve enfin pour la 1ère fois mes accompagnatrices préférés qui m'aident à remettre ma veste. Je me ravitaille et repars assez vite pour ne pas avoir trop froid. Il ne fait que 3 degrés ! En 1ère partie, la descente assez roulante, je tiens mes bâtons dans les mains et je fais un onglet tellement le froid est tétanisant. La seconde portion est aussi glissante que la 1ère descente. Je fais attention à ne pas chuter. J'arrive en bas sans encombe, OUF ! Je continue mon chemin avant d’attaquer cette montée un peu moins longue (4 km et 600 mD+). Je commence à avoir un petit coup de mou ! Je sais qu'il ne faut rien lâcher car le jour va bientôt se lever. Je pense à ce qu'il me reste et je me dis que je ne suis pas encore à la moitié de la course.

 

4ème ravitaillement, il est 7h36 et le jour vient de se lever ! Il faut bien se ravitailler car une grosse portion m'attend avec la montée de la conduite forcée (800m avec 300m D+) en soit un mur ! En attaquant, je me sens plutôt bien. Finalement, elle passe tranquillement. Ça c'est fait !!! Une bonne chose pour le moral. Une portion légèrement plate me permet de récupérer avant d'entreprendre un morceau (3kms et 500m D+) qui me fait un peu peur car nous avions eu très chaud lors de la reco. J'arrive en haut, je profite de la vue sur Curral Das Freiras (800m plus bas) appelé "Ciloas".

 

J’arrive à mi-parcours, la descente va piquer les jambes (3kms et 800m D-) ! J'essaie de négocier au mieux car les jambes commencent à être lourdes !

 

Il est 10h17 lorsque j'arrive à la base de vie de Curral (5ème ravito). Je me pose un peu plus longtemps. La plus grosse partie de ce parcours m’attend l'ascension du Pico Ruivo (10kms et 1300m D+).

A environ 1/4 de la montée, une perte de lucidité survient. J'essaie de penser à autre chose mais ça ne passe pas. Je mets mes écouteurs et lance de la musique dynamique. En général, ça fonctionne plutôt bien surtout que je ne l'ai pas mis de la nuit. La montée est encore longue ! J'enchaîne pas à pas, les pieds l'un devant l'autre, je pousse sur les bâtons afin de gravir ce sommet le plus haut de l'île à plus de 1800m d’altitude.

 

OUFFFF, après 12h55 d’effort, le refuge de Pico Ruivo est le 6ème point de ravitaillement. Je me ravitaille mais ne traine pas trop, je suis pile poil sur mon objectif de 18h30. Je repars vers la portion la plus aérienne Pico Ruivo - Pico Arieiro (6kms et 500m de D+). C’est le parcours de rando' le plus prisé de l’ile avec une vue à 360 degrés. Dommage, le soleil n'est pas présent mais il ne pleut pas, c'est le principal ! Je monte, descend ces escaliers, traverse ces tunnels avant d'arriver sur la dernière rampe : un escalier en pierre raide. Je ne vois même pas le sommet, nous sommes dans le brouillard ! Un passage un peu compliqué pour moi à ce moment. Je suis obligé de me poser dès l'entame de la descente. Les jambes ne répondent plus ! Les douleurs sont bien présentes et les 6500m D+ se font ressentir. Je repars et ne lâchant rien. Le ravito n'est pas loin (environ 4kms).

 

J’arrive à Chao da Lagua (7ème ravito), il est 14h52. Je concède dès à présent 30 min de retard. Je prends une soupe, remplis mes flasques, recharge en barre de céréales et repars, la course n’est pas finie. Il ne faut rien lâcher, je reçois beaucoup d’encouragements et je suis suivi à distance par beaucoup de personnes. Je ne veux pas décevoir à partir de ce point. J’attaque la longue descente de 18kms. Je me fais passer par un Français mais je m’accroche à lui et nous allons ensemble jusqu’au prochain ravito de Portela. Je m’arrête très peu à ce ravito, j’ai retrouvé de l’énergie et je suis encore plein. Je poursuis ma descente avec un Espagnol jusqu’à Porto da Cruz.

 

C’est le 9ème et dernier ravitaillement avant l’arrivée, il reste 15kms et 400m D+ et D-. Je me fais pointer à 17h17 avec le même retard qu’au précédent ravito. A peine arrivé que l’Espagnol me propose de repartir avec lui. J’accepte et finalement le Français que j’avais laissé seul à Portela est revenu et nous accompagne. Nous sommes désormais trois pour finir ce superbe tracé en bord de mer. Dès la montée, le rythme est un poil trop élevé. Je les laisse filer ! Je ne veux pas me cramer maintenant. Le tracé longe en flanc de falaise surplombant la mer. C’est magnifique ! Des longs bout droits, interminables sur la fin, longeant une dernière levada avant la dernière descente droite dans la pente et enfin entendre et voir la ligne d’arrivée.

 

Je termine ce Madeira Island Ultra-Trail en 19h26 et 45s à la 65ème place et 38ème de ma catégorie.

 

Trop content de ce super temps et ce magnifique parcours. Une organisation incroyable avec des bénévoles à chaque passage, un balisage exceptionnel et une belle ambiance !

 

 

Je voulais remercier mes deux accompagnatrices qui ont été au top sur les ravitaillements, toutes personnes qui m’ont suivi depuis le live et les différents messages d’encouragements que j’ai pu recevoir pendant la course. C’est un peu grâce à vous tous cette perf' ! Encore Merci du fond du cœur.

 

Seb'

 

 

----------------RECAP' DE STEF'----------------

 

« Aie, aie, aie, encore un ultra-long récap' qui nous attend», c'est peut-être ce que vous vous dîtes avant d'attaquer cette lecture. Moi, avant d'attaquer l'aventure à Madère, c'était plutôt « Aie, aie, aie, encore un ultra-long trail qui m'attend », et ceci moins de 8 mois après le doublé UTMB – Diagonale des Fous.. Mais les défis j'adore ça, et quand il a lieu dans un cadre aussi magnifique que l'île de Madère, c'est bien plus l'excitation qui me fait frissonner que la peur..

 

Bon, j'avoue quand même que je n'étais pas hyper rassuré avec ma non-préparation : c'est juste 1 mois après mon marathon (de Montpellier), et le seul déniv' que j'ai fait de l'année c'est sur le trail de la SteVictoire, ajouté en catimini pour quand même faire un peu de montées et descentes, surtout que du déniv' on allait en bouffer à Madère, avec pas moins de 7100m de D+ au menu, sur les 116kms proposés !

 

Je savais donc que j'allais en prendre plein les yeux (ça allait être magnifique).. et les jambes (ça allait être durrr). Ce qui allait être le cas aussi pour les 1000 autres warriors de la distance reine ce jour-là, dont Seb' (Monceaux), avec qui on s'était inscrits sur cet énorme événement (il y a 2ans déjà) et avec qui on a déjà partagé beaucoup de belles aventures, mais que je ne pourrai pas voir/suivre longtemps ici.. (son temps final monstrueux confirmera bien ça..).

 

En tout cas, on était ensemble sur la ligne de départ, près du port de Porto Moniz, placés juste derrière les nombreux élites, pour partir à l'assaut de cette 'diagonale' de l'île (la course est considérée comme la petite sœur de la Diagonale des Fous, avec des terrains, terriblement raides, assez semblables), et avec l'objectif final de rejoindre Machico, à l'opposé de l'île. Top départ à minuiiit.

 

Et direct' ça monte. Ça monte raide. Très raide. On était prévenus (d'ailleurs 90% des 'coureurs' ont pris les bâtons), mais la pente est vraiment dingue. Et ça d'entrée. Aie, elle va être hard cette aventure..

 

Heureusement il y a 9 gros ravitaillements sur le parcours, et sur 5 d'entre-eux, Fred'/Mlle Tortue sera présente pour m'apporter son aide et soutien. Du coup, mentalement on découpe le long parcours (116kms) en tronçons plus petits (10-12kms en moyenne), pour se donner à chaque fois un objectif/but à atteindre.. même si lorsque ces 10kms s'accompagnent de 1400m de D+, le tronçon en question n'est plus si petit, et demandera plusieurs heures pour en venir à bout..

 

Le départ étant donné à minuit, on court/marche/grimpe, les 7 premiers heures dans l'obscurité. Quoi que, au bout d'une demi-heure d'effort on descend vers une oasis de lumière : c'est le petit village de Ribeira da Janela, où l'ambiance est folle. Ca crie, ça encourage, ça gueule, c'est dingue. Et après avoir passé le pont en bas et être remonté un peu, en me tournant, je vois ce qui restera tout simplement comme une des plus belles visions que j'ai jamais eu sur une course : la vue des milliers de frontales qui descendent la pente, en serpentin, jusqu'au village illuminé. C'est absolument magique.

 

On retourne crapahuter dans l'obscurité ensuite, et hélas aussi, dans l'humidité: il pleut et y'a du brouillard, on est rapidement trempés et même frigorifiés. La 1ère longue descente après le 1er ravitaillement est vraiment très technique, ce qui est bien casse-gueule avec la pluie et l'obscurité. A la frontale on a commencé à longer les premiers 'levadas', des canaux d'irrigation typique de l'île de Madère, qu'on retrouvera un peu partout.. tout comme les satanés marches, qui nous feront monter ou descendre, d'abruptes pentes.

 

Allez, j'arrive au 3ème ravitaillement, à Estanquinhos (33kms / 3030mD+) après 6heures d'effort. Je suis assez entamé, et détrempé donc. Fred' est heureusement là, ça fait du bien, tout comme de bien pratiques chauffe-terrasses, autour desquels agglutinent les trailers pour se réchauffer. J'y retrouve aussi Julien, un excellent trailer du Vaucluse, que je croise sur les courses locales et qu'on avait vu dans l'avion. Je suis étonné de le voir, il est meilleur que moi, surtout en ultra, et j'ai progressé en mode molo pour l'instant, conscient de ne pas avoir l'entraînement suffisant pour oser aller plus vite. Lui est frigorifié et galère comme moi pour ajouter un vêtement chaud par-dessus des habits déjà trempés. Il patiente gentiment pour qu'on reparte ensemble et ainsi attaquer à deux la longue descente qui nous attend (plus de 1100m de D-). Il mène l'allure en descente, alors que le jour commence à se lever (bonne nouvelle qui remotive) et que la pluie commence à cesser (2ème bonne nouvelle, qui rebooste encore plus). Ensemble, après une rude remontée, on rejoint le 4ème ravitaillement, à Encumeada (48km / 3670mD+).

 

Je prends mon temps (je suis terriblement lent sur les ravito's..) et mange des pâtes ainsi qu'une soupe chaude. Je quitte le ravito 20minutes plus tard, Julien est déjà parti attaquer cette partie qui va nous faire passer la mi-parcours et rejoindre la grande base-vie de Curral das Freiras. Mais celle-ci se mérite : il faut passer une hallucinante montée longeant une canalisation quasi à la verticale. Seb', qui a fait le parcours en trek la semaine précédente, m'en avait parlé. Il n'a rien exagéré. Comme les montées précédentes, je ne me trouve pas bon, et ressens le manque d'entraînement. Pas grave, on n'est pas pressés, 'faut juste gérer, tenir bon et continuer à avancer. Le soleil pointe le bout de son nez, je commence à avoir chaud. Les derniers kms sur bitume avant de rejoindre la base-vie sont éprouvants et semblent interminables. On croise les coureurs qui en sortent justement du ravitaillement, plus ou moins requinqués.

 

Je suis bien content d'y arriver, à 12h15, après 63km et 4600mD+. Là il va falloir prendre le temps de se refaire la cerise. Bien manger devrait aider à ça, tout comme me changer de la tête aux pieds. Il y a des douches à la base-vie, certains en profitent, moi j'utilise le vestiaire et son évier pour repartir tout beau (mouais..), tout propre. Les filles m'informent sur Seb', tout va toujours très bien pour lui, il s'arrête à peine aux ravitos et continuent d'avancer très fort. Moi j'ai besoin de prendre le temps et ce n'est qu'à 13h (oui, je suis vraiment trop lent sur les ravitos..) que je redécolle.

 

Et c'est bien d'un décollage dont on va avoir besoin pour affronter la partie qui nous attend : sur les 11kms on va se prendre 1475m de D+ dans les pattes ! On va monter le Pico Ruivo, qui est tout simplement le point culminant de l'île à plus de 1800m d'altitude. Là on va en chier, d'autant que c'est l'heure la plus chaude de la journée. Heureusement on se retrouve vite dans une dense forêt et, au fur et à mesure, qu'on monte, dans les nuages. Et puis même dans un épais brouillard. Seul le rude effort nous donne chaud, parce que les températures sont plus basses là-haut.

Le Pico Ruivo se laisse désirer, plusieurs fois je pense y être.. mais non, que nenni, ça redescend pour remonter derrière, via des marches évidemment. 2 filles bénévoles se font entendre là-haut et nous encouragent bruyamment. C'est top. Bon, la vue, elle, n'est pas top du tout : il n'y en a pas tout simplement. Dur de savoir où on se situe, alors que les chemins boueux semblent interminables. Aaah, voilà enfin un panneau, et un peu plus tard le refuge du Pico Ruivo, qui sert de 6ème ravito.

 

On est à 74kms et plus de 6000m de D+. Oui, là on a vraiment fait le plus dur, surtout en terme de dénivelé. Au refuge, je suis déçu (pour lui) de retrouver Julien. Il n'est pas bien du tout, il me dit qu'il n'arrive vraiment pas à avancer, surtout en descente, ce qui est inquiétant alors que plus de 20kms de descente nous attendent bientôt.. Il hésite à s'arrêter là, comme beaucoup d'autres, le taux d'abandon étant de plus en plus élevé. En plus là-haut il fait froid, je n'oublie pas de remettre des couches, gants compris.

Après que lui m'ait bien boosté plus tôt dans la journée, là c'est à mon tour d'essayer de le remotiver. Je lui dis que là c'est le plus joli passage du trail qui nous attend et lui rappelle qu'à Arieiro justement il y a ses parents qui l'attendent. Pour ma part, Fred' je ne la retrouverai qu'au bout des 10kms de cette section. On repart ensemble pour effectuer donc ce plus beau segment. C'est un chemin magnifique qui à lui seul nous a motivé avec Seb' de nous inscrire sur le MIUT et qui fait la renommée de celui-ci. On va parcourir un sentier incroyable, souvent en crête et corniche, creusé dans la roche, avec des passages vertigineux, de longs tunnels obscurs, des marches évidemment, et avec une vue qui peut être extraordinaire.. Euh.. oui, mais non.. pas aujourd'hui en tout cas, avec tout ce brouillard.. Quoi que, petit à petit, ça s'éclaircit et on a des aperçus de l'environnement magique dans lequel on progresse.

Avec Julien, on s'extasie sur ce chemin unique, j'immortalise tout ça avec mon appareil (..pensant évidemment aussi à vous pour le compte-rendu..), c'est vraiment magnifique. J'ai promis à Fred' de revenir faire cette partie avec elle dans 2 jours, j'espère que mes jambes me le permettront. D'ailleurs, celles-ci vont plutôt bien, je marche bien sûr plus que je ne cours, mais je sens qu'elles pourront répondre présents quand il s'agira de redescendre vers la mer.

 

Julien semble retrouver le sourire aussi, et on blague pas mal ensemble. Finalement le brouillard nous envahie à nouveau au moment d'arriver au Pico do Arieiro, où ses parents sont là pour nous encourager. Hélas pour lui c'est une interminable descente qui nous attend à présent, chose qui moi me réjouit au contraire. D'ailleurs je prends un peu d'avance sur lui, mes jambes répondant plutôt bien en effet. Petit à petit, je sens que mon énergie est revenu et que mon état d'esprit est en train de changer : avant c'était tranquillou, gestion, piano, molo, prise de plaisir maximum en profitant des paysages.. maintenant ça commence à devenir esprit course / compêt' un peu, je sens que je pourrais faire un peu plus que juste finir cet ultra.. Je commence à me connaître un peu, quand je suis comme ça, je suis prêt à serrer les dents longtemps et fortement pour petit à petit grignoter un peu de temps et (du coup, même si ça reste secondaire) quelques places.. Autant mon classement je m'en fous et m'est inconnu, autant le chrono je le connais : en arrivant au ravito' j'en suis à 18h30 de périple, et je sais qu'il nous reste 32kms (avec moins de 1000m de D+). Dans ma tête l'idée me vient : ..et si on se bougeait un peu le cul et on essayait de passer sous la barre symbolique des 24h.. ? Avant de tenter de s’atteler à cette tâche, je prends le temps de me ravitailler quand même, en présence de Fred', qui remarque mon changement d'état d'esprit. Je suis assez surpris et inquiet que Julien ne soit pas encore là, il ne va donc pas mieux, c'est triste pour lui. Quand il arrive enfin, je prends de ses nouvelles, qui ne sont guère bonnes. Je vais devoir poursuivre sans lui, en espérant qu'il retrouve des jambes et la motivation pour aller au bout (Hélas non : il arrêtera définitivement au ravito' suivant).

 

Allez, j'attaque la très longue descente, désormais le couteau entre les dents.. Euh, mais, bon, restons objectif quand même : je ne vais pas super vite non plus, on a 85kms dans les jambes, le corps est fatigué et meurtri. Mais mentalement je vais bien. Je vois que je reprends des coureurs, qui semblent beaucoup moins enclin à trottiner. Ca descend, descend, descend, avec des marches, des marches, des marches, souvent le long des typiques levadas. Évidemment faut rester attentifs pour ne pas tomber ou se faire une cheville, mais c'est plutôt roulant et on peut y courir plus franchement.

 

J'arrive au ravito (l'avant-avant-dernier) de Portela (95kms) à 20h17. Je fais rapidement le calcul : il me reste 3h40 pour faire 21bornes (..mais qui ne sont pas très plates..). Mais avant ça, pensons déjà à rejoindre le prochain point, l'avant-dernier ravitaillement, celui de Porto da Cruz, au niveau de la mer.

 

En descendant encore un peu plus, on voit la côte d'ailleurs au loin, on a hâte d'y être, ça commence à être dur de continuer à cravacher, j'ai envie de me poser un peu, de marcher tranquillement. Je me l'interdis et me fixe désormais comme objectif d'arriver à Porto da Cruz avant de devoir remettre la frontale. Comme on retrouve la civilisation et qu'on rentre dans une véritable ville, bien éclairée, j'y arrive, même s'il est déjà 21h15h passée, et que la nuit est retombée sur l'île.

 

On est au tout dernier ravitaillement avant l'arrivée. On a fait 101kms, 'plus que' 15. Mais avec 400m de D+ quand même. Un bon petit coup-de-cul pour finir. Quelle gentille attention de la part des (super) organisateurs.. C'est la dernière fois que je vois Fred' avant l'arrivée. Elle voit que je me speede, que j'ingurgite ma soupe trop chaude quitte à me brûler (oui, c'est définitivement fini le côté gestion et molo..). Je veux arriver avant minuit et donc mettre moins de 24h, il me reste 2h30 pour les 15derniers kms. On se donne rendez-vous à l'arrivée avec Fred', dans le village de Machico. Seb' y est déjà depuis belle lurette, il doit même être douché déjà.. Quelle perf'.

 

Allez, j'attaque la toute dernière montée. Évidemment elle semble interminable. Je continue à doubler des coureurs. J'appuie sur mes bâtons en montée pour imprégner un bon rythme et continuer à grappiller du temps. On semble enfin en-haut, mais on n'est pas prêts de redescendre vers Machico. On est en corniche à flanc de colline, ça tourne, vire, re-tourne, jamais ça ne s'arrête. En bas dans l'obscurité je vois des lumières de villages, mais rien qui me fasse penser au bord de mer ou à l'arrivée. Pétard, jamais on ne redescend.. ? Ah si, ça y'est, enfin.. quoi que.. non, ça remonte encore.. Et puis, tout à coup, je distingue les lumières de ce qui doit être Machico, je pense voir un bord de mer. Oui, ça descend. Pour de bon cette fois-ci. Je passe encore un dernier coureur et cours vers le tapis et l'arche d'arrivée. On est avant minuit, y'a encore du monde, les vivats font chaud au cœur. Et là c'est le sentiment que seul un ultra-trail peut vous provoquer. Un énorme bonheur sur les derniers mètres. Et une explosion de joie en passant la superbe ligne d'arrivée. Celle-ci fait à chaque fois totalement oublier ce par quoi on est passé pour en arriver là. Je vois mon temps, 23h25, c'est cool. Bien mieux qu'espéré avec si peu de préparation. Je retrouve Fred', pour de bon cette fois-ci. Ca y'est, on va pouvoir rentrer, on aura réussi à éviter une 2nde nuit blanche.

 

Et ben voilà, un nouvel ultra dans la poche. Ce 'MIUT' est vraiment magnifique, avec des sentiers et une partie aérienne vraiment extraordinaires. Son dénivelé est cruel avec des pentes terriblement raides. Les 100 premiers kms sont plus durs que l'UTMB et même la Diag'. Il n'y aura au final que 560 finishers sur presque 1000 coureurs. Je suis pile poil 200ème (40ème de ma caté'). Place au repos maintenant... euh.. mais pas trop longtemps quand même : dans 1mois et demi, on remet ça, à Andorre..

 

Merci à tous pour le soutien, et merci évidemment à Mlle Tortue pour cette nouvelle aventure partagée. Obrigado Madeira.

 

 

Stef

 

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Commentaires: 4
  • #1

    Stephane (mercredi, 04 mai 2022 06:14)

    Bon, que dire a part un grand respect a tous les 2 !!!!!

  • #2

    Seb M (mercredi, 04 mai 2022 12:31)

    Félicitations à toi aussi pour cette perf vu ton entraînement et comme à ton habitude ce superbe compte-rendu. Obrigado

  • #3

    Geneviève (mercredi, 04 mai 2022 13:57)

    Voilà, 2 comptes-rendus avalés, qu'elle énergie !!!!!!! à vous deux, ci concis après une telle aventure, j'espère que vous êtes encore sur votre petit nuage, le taux d'endorphines n'est pas encore totalement redescendu profitez-en.
    Merci Sébastien et Stéphane et bonne récupération à vous deux.
    À quand le CR de Fréd ?

  • #4

    Thomas (jeudi, 05 mai 2022 08:31)

    Encore 2 perfs incroyables, bravo tous les deux. Superbes recaps et photos, ça donne envie !